mise à l’enquête avec des antennes inconnues - Pierre Dubochet

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Mise à l’enquête avec des antennes inconnues

Des fiches de données spécifiques au site que le service cantonal du rayonnement aurait dû refuser ont été mises à l’enquête. L’absence de données contrôlables sur les diagrammes d’antennes ôte toute fiabilité aux calculs. Une telle fiche n'a aucune raison d'être. Distraits, débordés, complices, les services cantonaux?
La station typique
Lecture : 3 min 30 | 1120 mots
Avant d’exploiter un émetteur de téléphonie mobile, le détenteur est tenu à une obligation de notifier (ouvre un nouvel onglet) qui passe par une «fiche de données spécifiques au site» (la fiche) qui doit être validée par l’autorité compétente en matière d’autorisation. Chaque canton dispose de son propre service des rayonnements non ionisants, chargé entre autres de surveiller la conformité des installations émettrices de rayonnements sur son territoire.
La fiche fournit toutes les données techniques pour l’émission des rayonnements calculées lorsque l’émetteur est exploité dans le «mode d’exploitation déterminant», c’est-à-dire à sa puissance maximale, et détaille par calcul l’intensité électrique du rayonnement dans les lieux proches des antennes où séjournent des personnes. Entre autres, la fiche doit mentionner «les trois “lieux à utilisation sensible” [LUS] où ce rayonnement est le plus fort» (art. 11 al. 2 ORNI). Quelques fois, comme il existe des incertitudes sur les lieux les plus exposés, la fiche fournit les calculs pour davantage de lieux.
Après vérification, l’autorité cantonale spécialisée envoie la fiche à la commune, qui la met à l’enquête. Juridiquement, la fiche constitue une preuve que l’émetteur sera conforme à l’ordonnance sur le rayonnement non ionisant. La fiche sert à démontrer, par calcul, que les valeurs inscrites dans l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) sont respectées.
LUS | lieu à utilisation sensible
  • les locaux situés à l’intérieur d’un bâtiment dans lesquels des personnes séjournent régulièrement durant une période prolongée;
  • les places de jeux publiques ou privées, définies dans un plan d’aménagement;
  • les parties de terrains non bâtis sur lesquelles des activités au sens ci-dessus sont permises.
[ORNI, art. 3, ch. 3]
Une station de base de téléphonie mobile n’émet pas de manière uniforme dans toutes les directions, sans quoi son rayonnement serait très puissant sur les maisons proches et faible dès qu’on s’éloignerait un peu.
La plupart des stations comporte trois panneaux d’antennes, chacun étant orienté avec un décalage d’azimut (angle horizontal) de 120° à peu près, les trois couvrant en général 360°, avec une adaptation à l’environnement urbanisé.
Horizontalement, le rayonnement est concentré sur un angle approximatif de 60°, soit 30° sur la gauche et 30° sur la droite de la «direction principale de propagation»; il faiblit au-delà, mais ceci est fonction de l'antenne. Chaque antenne a ses diagrammes propres.
Le lobe principal est concentré verticalement sur un angle approximatif de 20°, avec des lobes secondaires en direction du ciel et du sol.
L’onde radio est ainsi directive, un peu comme le rayonnement lumineux d’un phare automobile à longue portée qui procure une forte puissance lumineuse loin devant et peu sur les côtés.
Cette directivité permet de faire passer le lobe principal par-dessus, ou entre les bâtiments du paysage urbain en périphérie de l’antenne.
Les diagrammes chiffrent l'atténuation de l’onde autour de la direction principale de propagation et des lobes secondaires. Sans eux, il est impossible de calculer le rayonnement autour d’une antenne.
Les diagrammes sont fournis pour chaque groupe d'antennes qui émettent sur quelques fréquences distinctes, en fonction des besoins pour la couverture radio du site.
La téléphonie mobile suisse exploite 8 fréquences exploitées pour trois à quatre générations de téléphonie mobile par site, 2G, 3G, 4G, 5G ou 3G, 4G, 5G.
De la nécessité de connaître le diagramme d’antenne
Vous comprenez mieux à présent que les diagrammes de chaque antenne sont des éléments clés de la fiche de données spécifiques au site. Alors qu’à peu près tout peut être trouvé sur internet, il est souvent difficile de trouver les diagrammes des antennes de téléphonie mobile d’après les indications inscrites dans la fiche.
Nous sommes contraints de faire confiance (ou pas) à ces diagrammes incertains, fournis par l’opérateur. Les ingénieurs indépendants sont assez unanimes à dire qu’il manque un moyen sûr de vérifier l’exactitude des diagrammes.
L’en-tête de cet article reproduit l’extrait d’une page de la fiche de données spécifiques au site telle que mise à l’enquête en 2019. Je dispose de plusieurs fiches de données spécifiques au site de ce genre. Nous lisons que le type d’antenne est «inconnu», tout comme la fréquence, «inconnue».
Par ailleurs, tout expert qualifierait d’irréaliste ce diagramme vertical. Aucune antenne n’émet un faisceau concentré à un tel point, avec des lobes secondaires aussi faibles.
Ceci signifie que ce diagramme pour un type d’antenne «inconnu» et des fréquences «inconnues» est sans valeur technique. Par conséquent, dépourvu de force légale. Comment est-il possible que des documents rendant impossible la vérification de la fiche de données spécifiques au site aient été mis à l’enquête?
Ceci est d’autant plus problématique avec des calculs qui prévoient dans un ou plusieurs LUS un champ électrique de 4,95 V/m, c’est-à-dire où il ne reste plus que 1 pour cent d’intensité avant d’atteindre la limite légale. Une marge minuscule.
© Pierre Dubochet, ing. radio
toxicologie des RNI
conflit d'intérêts : aucun avec cet article
12 mai 2023

Les diagrammes de chaque antenne sont des éléments clés de la fiche de données spécifiques au site. Des diagrammes avec des types d’antennes «inconnus» et des fréquences «inconnues» ne permettent pas de prouver le respect des valeurs limites. Une telle fiche n’a pas de raison d’être.

Une structure de surveillance des services cantonaux est nécessaire
La fiche qui comporte la page reproduite dans l’en-tête est illégale. En l’acceptant, le service cantonal a fauté.
La fiche sert à prouver par calcul que la valeur limite de l’installation est respectée dans les LUS les plus exposés ou les plus proches des antennes. En l’absence d’éléments servant à déterminer le champ électrique, cette preuve n’est pas rapportée. Une telle fiche n’a pas de raison d’être.
De telles fiches, invérifiables, ont été déposées par les opérateurs. Avec une attitude conforme des autorités, il suffirait qu’un opposant signale que la fiche est illégale pour qu’elle soit retirée et la mise à l’enquête annulée. Mais si le service cantonal du rayonnement a permis une mise à l’enquête d’une fiche illégale, nous n’avons plus à faire à une attitude appropriée des autorités, n’est-ce pas?
Les membres du service cantonal qui mettent à l’enquête une telle fiche sont-ils distraits? Débordés? Complices? À vous d’évaluer.
Je déclare qu’il est plus que temps d’établir une structure de surveillance des services cantonaux du rayonnement qui publie des rapports annuels en toute transparence.
Ces publications complèteront utilement votre savoir :
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