Arc Info | La 5G : cauchemar sanitaire ou rêve technologique ?
Les champs magnétiques générés par nos smartphones ne perturbent pas que les montres mécaniques... Depuis l'annonce de l'arrivée pour début 2020, voire fin 2019, de la cinquième génération de téléphonie mobile, dite 5G, la perspective de voir quelque 15'000 nouvelles antennes installées sur le territoire interpelle personnalités politiques et citoyens.
© Pierre Dubochet, ing. radio
toxicologie des RNI
30 mars 2019
mis à jour le 31 mars 2019
Cauchemar pour les uns, rêve technologique pour d'autres...
4 min 30 | 1360 mots
En témoigne la pétition lancée en ligne par le jeune Glandais Marvin Grimm contre le lancement du réseau 5G, qui a reçu plus de 47'000 signatures en un mois. Cauchemar pour les uns, rêve technologique pour d'autres...
Au lendemain de la conférence de presse des Verts neuchâtelois, nous avons demandé à Pierre Dubochet, qui y assistait en qualité d'Ingénieur radio expert en pollution électromagnétique, de réagir aux informations publiées le 27 mars dernier par l'Association suisse des télécommunications (Asut).
À quoi sert la 5G?
Asut: «La 5G permet de remédier aux problèmes de capacité sur les réseaux mobiles actuels en 4G. Par ailleurs, la 5G est capitale pour le virage numérique et l'innovation en Suisse. L'utilisation de la 5G s'effectue conformément à la stratégie du Conseil fédéral pour une 'Suisse numérique'.
Au-delà de communications mobiles performantes, la 5G permettra l'utilisation de nombreuses applications nouvelles telles que la domotique, les applications médicales, les applications de traitement d'image ou pour la gestion intelligente du trafic.»
Pierre Dubochet: «Prétendre que la 5G servira aux situations à risques des véhicules autonomes est absurde: les développeurs misent tout sur les capteurs et les éléments propres aux véhicules. Il sera impossible de transférer le volume de données produit par chaque voiture au moyen des stations de base, même en multipliant le débit par cent, ce qui serait techniquement inconcevable en raison du comportement physique de ces ondes. Les transferts par la lumière sont plus prometteurs.
Toute transmission critique telle qu'une opération chirurgicale est plus sécurisée sur une connexion par fibre optique que par radio. Les protocoles de téléphonie mobile ont toujours souffert de vulnérabilité, autrement dit de risques d'interception ou de détournement de données, faisable par n'importe qui au moyen de matériels en vente libre. La 5G n'y échappe pas.
Niveau utilité, divertissement excepté, je ne trouve rien. On a appris à sécuriser nos ordinateurs avec un mot de passe, un antivirus et repart feu. Tout cela est inutile si notre machine à café, notre aquarium ou même une simple ampoule, connecté en réseau à notre ordinateur ou notre smartphone, est infiltré par un pirate. Les cybercriminels entrent aisément dans les réseaux grâce aux appareils connectés.»
Quels effets sur la santé?
Asut: «Selon toutes les informations dont dispose actuellement la science, il n'est pas possible d'établir un lien entre les rayonnements de la téléphonie mobile et d'éventuels problèmes de santé. Les données disponibles au sujet du cancer sont parfois encore incertaines. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a donc par précaution qualifié le rayonnement de la téléphonie mobile de “potentiellement cancérogène” — tout comme le café et de nombreuses autres substances.»
Pierre Dubochet: «En altérant les capacités cognitives, les rayonnements pénalisent la trajectoire de vie des jeunes à qui l'on vole la capacité à donner le meilleur d'eux-mêmes. Les rayonnements accélèrent le vieillissement. Le seuil d'exposition tolérable varie au fil du temps et diffère selon les individus. Votre femme,votre mari peut se trouver mal alors que vous ne sentez rien.
Les principaux troubles spécifiques sont neurologiques, cutanés, auditifs, cardiaques, liés à la température, aux allergies, aux céphalées et aux fonctions locomotrices. Les femmes et les personnes âgées de plus de 45 ans sont plus touchées. Des réveils nocturnes instantanés, l'esprit en pleine activité, sans parvenir à s'empêcher de penser, peuvent indiquer une surexposition, de même que des troubles inhabituels de la mémoire à court terme.»
Les cas d'hypersensibilité pourraient-ils se multiplier?
Asut: «Les fréquences 5G attribuées en concession et utilisées depuis mars 2019 présentent des caractéristiques très similaires à celles des technologies mobiles utilisées actuellement et depuis les trente dernières années et couvrent une plage de fréquences comprises entre 700 MHz et 3,8 GHz. Certaines des fréquences nouvellement attribuées ont été utilisées précédemment pour des retransmissions radio et TV. C'est pourquoi aucun changement majeur n'est attendu en ce qui concerne les expositions aux radiations. On trouve de nombreuses études sur le sujet de la sensibilité électromagnétique.
Les études en double aveugle réalisées en laboratoire n'ont pas permis de montrer que les radiations de la technologie mobile ont une influence sur le bien-être. En l'absence d'un diagnostic clairement établi, les symptômes sont attribués au rayonnement de façon subjective par les personnes touchées. Dans la mesure où le rayonnement de la technologie mobile déclenche des symptômes, il ne s'agit ici dans le pire des cas que d'une minorité très réduite de la population. Il est possible de déterminer l'existence d'un 'effet nocebo' en raison duquel les effets néfastes attendus deviennent perceptibles.»
Pierre Dubochet: «Sans le moindre doute. L'exposition chronique aux rayonnements excite des cellules cibles des tissus nerveux. Cela entraîne différents stress qui enclenchent des mécanismes de réparation. Quand nous vivons dans un électrosmog trop intense, les mécanismes d'adaptation des systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire risquent d'être surchargés.
Les neuroinflammations causées et entretenues par des expositions abaissent le seuil de tolérance aux rayonnements, de la même manière que la peau souffre davantage du chaud après un coup de soleil. Aucun gadget 'anti-ondes' n'ayant fait ses preuves à ce jour quoi que prétendent les vendeurs, les sujets fortement atteints sont contraints de diminuer ou d'arrêter des activités — y compris professionnelles — qui les exposent.
Réduire toute exposition évitable est le seul moyen pour leur organisme de se réparer. Notre environnement est de plus en plus pollué d'électrosmog, jusque dans nos chambres à coucher, et l'âge aidant, on résiste moins aux conséquences de l'exposition. Nous, experts sans conflit d'intérêts, tirons la sonnette d'alarme.»
Que peuvent faire les citoyens?
Asut: «90% des irradiations individuelles proviennent du téléphone portable. Un bon réseau de téléphonie mobile avec une qualité de connexion élevée ainsi que l'optimisation des téléphones portables pour un rayonnement le plus bas possible sont considérés comme des mesures de prévention capitales.»
Pierre Dubochet: «Je les invite à minimiser l'emploi du Wi-Fi et à éteindre le routeur après usage, souvent configuré pour émettre un Wi-Fi public à l'insu des utilisateurs, en plus du Wi-Fi privé. Notre organisme est dix fois plus sensible au Wi-Fi qu'à la téléphonie mobile. Prudence en cas de mauvaise réception au smartphone: son rayonnement augmente pour être reçu par la station de base.
Lors de tâches de longue durée sur un PC portable, on réduit fortement son exposition aux ondes en utilisant un clavier déporté filaire. Je recommande d'éviter d'utiliser plus de quelques instants une tablette ou un smartphone relié au chargeur lui-même, branché sur le réseau 230 V, car à ce moment un champ électrique extrêmement significatif englobe l'appareil, et parcourt le corps. Il est prudent d'éloigner du lit tous les câbles électriques et les appareils branchés au réseau 230 V de plus d'un mètre.»
Peut-on s'opposer à la 5G?
Asut: «Les inquiétudes présentées dans les appels, pétitions, etc. concernent les ondes millimétriques et la plage de fréquences comprises entre 26 GHz et 300 GHz. Au terme de l'attribution des concessions en Suisse, ces fréquences ne sont pas du tout présentes et ne sont donc actuellement pas disponibles pour la technologie mobile de la 5G.»
Pierre Dubochet: «Il existe un moratoire international contre la 5G signé par 180 scientifiques de 37 pays, c'est dire l'inquiétude des experts sans conflit d'intérêts. En Californie, région du pôle technologique de la Silicon Valley, le ministère de la Santé publique a mis en garde sur les effets potentiels de la 5G et le gouverneur s'oppose à l'extension des infrastructures. Plusieurs villes américaines ont adopté une ordonnance urgente pour interdire des équipements 5G, considérant les risques sanitaires.
En Suisse, une pétition contre la 5G et ses dangers est sur internet. Mais en évoquant le risque sanitaire, les chances sont très minces parce que l'industrie use de l'extraordinaire force de persuasion que procure la production scientifique sur les responsables politiques, les médias et l'opinion publique. L'instrumentalisation de la science réduit presque à néant les possibilités de s'opposer à la 5G.»
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Êtes-vous symptomatique au rayonnement non ionisant?
Je vous invite à éviter trois choses. Premièrement, l’automédication. Je vous invite aussi à éviter de demander des conseils sur votre situation et sur votre santé à des personnes qui vendent des produits par internet ou sur des marchés, à des personnes qui ne sont pas cliniquement qualifiées ou à des personnes qui ne sont pas des experts professionnels dans le domaine des effets sur la santé et la protection des personnes.
Enfin, je vous invite à renoncer à l'achat d'un gadget antiondes (clés USB, patch, pastille, collier, sphère, pyramide, plaque, etc.) vendu par internet ou sur un marché et qui utilise un ou plusieurs des mots suivants en parlant des rayonnements : «équilibre», «purifie», «annule», «déphase», «harmonise», «réinforme», «vitalise», «convertit», «biorésonance», «quantique», ou dont l'argumentaire évoque «un temps nécessaire pour agir», «une durée de vie utile» ou qui doivent être mis à jour, par exemple avec l'arrivée de la 5G.
Ces mots signalent l'absence de reconnaissance scientifique d'effet contre les risques de l'exposition.
Comparez les symptômes que vous ressentez avec les symptômes les plus fréquents.