valeur-limite en téléphonie mobile: un seuil de suspicion médicale? Non! - Pierre Dubochet

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Ce ne sont pas des seuils de suspicion médicale concrets qui ont permis de définir les valeurs-limites de la téléphonie mobile. C'est l'observation comportementale de singes.

Lorsque l'on songe aux valeurs-limites de l'exposition aux rayonnements des stations de base de téléphonie mobile, on imagine un contexte rigoureusement scientifique. Dans les faits, nous ne sommes pas très loin du pile ou face. La situation est similaire avec la haute tension, où les valeurs ont été établies par l'industrie selon l'exposition à courte durée.

© Pierre Dubochet, ing. radio
toxicologie des RNI
14 mai 2020
Valeurs-limites : basées sur l'observation comportementale de primates (non humains)
Lecture : 2 min 20 | 710 mots
Pour l’essentiel, les auteurs ont rédigé l’ORNI en se basant sur les données fournies par l’ICNIRP (ORNI 1999). L'ICNIRP est une commission composée de membres et de conseillers autoproclamés et cooptés venant du milieu industriel ou militaire, sous-représentée en biologistes, sans statut scientifique officiel ni reconnaissance par les pairs.
L’ICNIRP prétend établir ses limites en fonction du poids de la preuve scientifique, mais elle échoue à démontrer la validité de ses modèles. Elle ne traite que des risques d’effets aigus sur la santé sur des sujets en bonne santé. Pour les hautes fréquences, elle ne s’intéresse qu’à l’aptitude du corps humain à assurer sa thermorégulation en cas d’échauffement, et des chocs en cas de contact physique avec un élément en émission.
Comprenez que l’ICNIRP ne se préoccupe que de savoir si la téléphonie mobile provoque ou non des brûlures, des coups de chaleur ou des chocs. Ces situations sont hautement improbables pour le grand public.
Devant une cour, le président de l’ICNIRP a déclaré que les limites d’exposition aux microondes ont été fondées sur l’analyse comportementale de primates (non humains), par exemple les recherches de John D’Andrea des années 1970, tout en reconnaissant que «les changements comportementaux sont assez variables entre les populations» en sus de «l’imprécision des études» et «l’imprécision dans la dosimétrie» (Commonwealth 2000).
La vérité scientifique est une vérité matérielle dans laquelle l’analyse comportementale animale n’a pas sa place. Les valeurs limites de l’ICNIRP pour la téléphonie mobile ne sont qu’argumentation.
Devant la cour, le président de l’ICNIRP nie les effets athermiques; cite cependant un «problème» avec l’étude de Preiss et Korvisto qui ont trouvé une réduction du temps de réaction. Or, il existe plus de deux mille études établissant des effets non thermiques (Conseil de l’Europe 2011).
L’ICNIRP réfute le fait —admis par exemple en chimie— que des doses extrêmement faibles entraînent des réactions chimiques, ces dernières étant en partie liées à la trajectoire d’exposition individuelle.
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Les 4 contextes de l'intérêt des recommandations de l'ICNIRP
L’intérêt pour les recommandations de l’ICNIRP s’explique par quatre contextes principaux:
– leur permissivité qui offre d’inimaginables perspectives à l’essor technologique, moteur de l’emploi et de l’économie (LETC),
– le manque réel d'experts possédant les aptitudes à comprendre les interactions,
– la faible implication des décideurs politiques dans l’évaluation des risques,
– la complexité du sujet.
«Ces valeurs n’ont pas été fixées sur la base de seuils de suspicion médicale concrets, mais uniquement compte tenu d’expériences ou de prévisions quant aux possibilités économiquement supportables de réduire le rayonnement par des moyens techniques et relevant de l’exploitation», signale l’OFEV.
L'OFEV poursuit: «Les valeurs limites des installations ne sont donc pas justifiées par des considérations médicales ou biologiques; comme le précise la LPE, elles n’ont pas à l’être» (OFEV 2004).
Dans les groupes de régulation, le rejet quasi systématique des scientifiques spécialistes des RNI internationaux qui ont documenté les effets atteste de l’implication de l’État dans les affaires de l’industrie. Les autorités de régulation voudraient que vous croyiez que la protection de la population suisse tient (un peu) d’expériences.
Des primates et des ondes
Comment les normes ont-elles été établies? En observant le comportement de primates non humains exposés aux ondes.
Cette approche non scientifique a servi à poser les bases légales. Grâce à différents subterfuges, l'économie peut exploiter des équipements nocifs tout en étant exemptée des coûts sanitaires. Par exemple, Swisscom a reconnu en 2003 que l'électrosmog du sans-fil entraîne des «dommages clairs du matériel héréditaire» et qu'il y a «des indications d’un risque accru de cancer». Et rien ne change.
  • C'est un fait : les normes en vigueur ne protègent pas des risques sanitaires de l'exposition chronique aux RNI des stations de base de téléphonie mobile.
Le rayonnement non ionisant (RNI) de la téléphonie mobile pollue à des densités de puissances fortement significatives notre environnement jusque dans nos chambres à coucher. Avec différentes fréquences (700, 800, 900, 1'400, 1'800, 2'100, 2'600, 3'500 MHz) pulsées en basse fréquence. Et cela 24h/24. Par son extrême complexité, la nocivité de l'exposition chronique aux stations de base ne peut pas être déterminée en laboratoire.
L’étude Abelin et Altpeter ? Chuuut !
Les autorités cachent soigneusement ce qu’écrivent les auteurs de l’ORNI sur l’étude Abelin et Altpeter sur l’émetteur de Schwarzenburg: «Des perturbations du sommeil se multiplient à partir d’une exposition nocturne moyenne égale à environ 0,4 V/m»* (cité dans le Rapport explicatif ORNI 1999 p. 7).
En cause notamment la diminution de la mélatonine, hormone essentielle au sommeil et au système immunitaire. Perturbation, emprunt au latin classique perturbatio, «trouble complet», aussi analysable en perturber et — tion ; du latin classique perturbare, «troubler complètement».
Les auteurs de l’ORNI admettent ne pas avoir pris en compte cette étude solide et reproductible (Wilson 1990, etc.).
Si les valeurs limites ne sont pas basées sur la science, alors la probité commande qu’une prise de décision puisse être prise lorsqu’un faisceau d’arguments met un risque en évidence. Ce n'est pas non plus le cas.
Les autorités de régulation voudraient que vous croyiez que l’ORNI nous protège des risques de l’exposition. Tout bien considéré, l’ORNI nous protège surtout d’une chose: du dépassement d’une valeur légale discrétionnaire!
J’estime que l’apparente cécité —volontaire ou accidentelle— des instances régulatrices sur l’expérience et sur les connaissances scientifiques coûte 20 milliards de francs par an à la population suisse.
La fixation de seuils d’exposition compose avec des paramètres socioéconomiques liés aux bénéfices issus de l’innovation rapportés aux risques sanitaires. Des experts communiquent sur des seuils et des risques. Les autorités de régulation en tirent un seuil plus ou moins élevé d’exposition (Boudia 2009).
 
Ces publications complèteront utilement votre savoir :
Références :

Commonwealth of australia, official committee Hansard, Senate, electromagnetic radiation, audition du Dr Michael Repacholi, 31 august 2000:7.
Conseil de l’Europe, doc. 12608, 2011: 10, Emfacts, HESE-UK.
LETC. Voir aussi la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) qui précise que les prescriptions techniques applicables en Suisse doivent être conçues de manière à introduire le moins possible d’entraves au commerce.
ORNI, Rapport explicatif ORNI, décembre 1999.
OFEV. Jürg Baumann, Office fédéral de l’environnement (OFEV), «Les cahiers de l’électricité» n° 55, janvier 2004.
Wilson et coll. 1990; Graham et coll. 1994; Wood et coll. 1998; Karasek et coll. 1998; Burch et coll. 1997, 1998; Pfluger et coll. 1996; Arnetz et coll. 1996; Burch et coll. 1997; Burch et coll. 1999; Scheiner 2001; Vogt 2004, etc.
* env. 1/12 de la limite en téléphonie mobile.
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