Revue Forum Sécurité | parution mai 2015
Les effets sur l’Homme des champs électromagnétiques
© Pierre Dubochet, ing. radio
toxicologie des RNI
7 mai 2015
Dès la mise en service d’émetteurs dans la gamme des microondes, dans les années 1930, des effets ont été constatés. Certains anodins, d’autres dangereux
5 min 40 | 1720 mots
À la fin des années 1960, un cortège d’experts en microondes des pays de l’Est a rédigé un document révélant que l’exposition de travailleurs et de militaires à des microondes à des niveaux athermiques (non thermiques) durant des années entraîne entre autres: fatigabilité, irritabilité, céphalées, nausées, modification de la fréquence cardiaque, hypo et hypertension, somnolence, insommyélnie, difficultés de concentration, allergies cutanées, taux élevé de lymphocytes, perturbations de l’électroencéphalogramme et atteintes aux organes des sens.
Exactement les maux dont une frange croissante de la population actuelle se plaint ! La NASA a traduit ce texte sous le titre: Biological effect of microwaves in occupational Hygiene en 1970.
Avec Biologic Effects and Health Hazards of Microwave Radiation, l’OMS va dans le même sens en 1973, soulignant le caractère cumulatif des doses reçues. La science a prouvé que l’exposition chronique à des champs électromagnétiques (CEM) de microondes en dessous des seuils thermiques entraîne des altérations fonctionnelles parfois handicapantes, parfois dangereuses.
De la lune au téléphone cellulaire
En 1969, Motorola, inventeur américain de l’autoradio et du talkie-walkie, transmet la voix de Neil Armstrong foulant la lune. Son prochain objectif est un réseau GSM de téléphonie mobile.
Plus de cent millions de dollars sont investis avant la commercialisation de ses radiotéléphones, en 1983. Le GSM pourrait bien être une manne financière colossale à moyen terme.
À condition d’étouffer les innombrables rapports signalant les risques de l’exposition aux RNI.
Ainsi en 1974, des experts tels Tanner, Bigu del Blanco et Sierra observent que quelques minutes d’exposition à des CEM de 27 MHz émis par un émetteur radio de 5 watts (un GSM actuel dispose de 2 watts) suffisent à provoquer une perte importante de myéline (1). Cette substance entoure la fibre nerveuse et conduit l’influx nerveux.
La recherche a démontré que pulser les microondes —cette pulsation en extrêmement basse fréquence (ELF) qui optimise le signal et réduit les coûts technologiques— engendre plus de nuisances sur le métabolisme comparativement au signal continu à la même densité de puissance moyenne.
L’affaire de l’ambassade américaine à Moscou divulguée par la presse en 1976 est aussi dans les mémoires. Les locaux étaient irradiés par des microondes à env. 6 V/m (2). L’ambassadeur Stoessel souffrait d’hémorragies oculaires et d’une maladie du sang.
Trois hommes sont décédés de cancer, cinq femmes ont subi une mammectomie liée au cancer. Ni risque hypothétique, ni risque abstrait, l’exposition au CEM des microondes est nocive à des niveaux athermiques. Comment développer la radiocommunication dans ce contexte ?
Premièrement, en prenant les devants pour légaliser ce que l’on pourrait appeler en toxicologie des valeurs guides. Secondement, en détrônant le principe de précaution, susceptible de restreindre l’activité litigieuse, par un principe d’attention.
C’est-à-dire que l’on observe l’impact sanitaire sur plusieurs décennies en attendant que la maturation des moyens scientifiques donne la preuve absolue de nocivité. C’est le fameux «on ne sait pas».
Deux organismes dominants ancreront ces stratégies : la Commission Internationale sur la Protection des Radiations Non Ionisants (ICNIRP) et le département RNI de l’OMS.
Michael Repacholi préside des groupes d’étude à l’OMS dès 1978. Il appartient également au collectif qui institue l'ICNIRP en 1992. Repacholi préside cette commission, qui comporte douze autres membres scientifiques dont une part occupe des postes élevés dans l’industrie.
Repacholi fonde et prend la tête du département de recherche sur les effets des CEM à l’OMS durant la période cruciale de fixation des seuils, entre 1996 et 2006.
Imaginez-vous le président de ces instituts avoir défendu la santé du public? L’imaginez-vous avoir appuyé des citoyens contre des industriels trop entreprenants? C’est le contraire selon David Leloup de Mediattitudes (3). Repacholi est habité par l’industrie.
En 1990, cet homme soutient une compagnie d’électricité australienne face à des propriétaires de Nouvelle-Galles-du-Sud opposés à l’installation d’une ligne à haute tension (HT) sur leurs terres. En 1995, il aide Bell South à installer une antenne relais à proximité d’une crèche à Christchurch.
Plus tard, en minimisant les études montrant l’accroissement du risque de leucémie infantile à proximité des lignes HT, Repacholi soutient la Connecticut Light and Power Co.
Le 3 août 2000, Michael Repacholi, l'homme qui a influencé toutes les sociétés nationales de radioprotection du monde, admet devant la cour du Sénat australien que l’exposition limite au rayonnement du sans-fil «n’a pas été basée sur la science, elle a été négociée entre les syndicats (industriels) et le gouvernement de cette époque».
Anticiper le risque de procès et gagner du temps
L'ICNIRP a trouvé une approche qui préserve l’industrie et qui semble scientifique. Un mannequin rempli de gel fluide homogène est soumis à des CEM. À 61 V/m durant six minutes, l’échauffement du gel est inférieur à la capacité thermorégulatrice du corps humain.
La communication de l'ICNIRP est habile: bien que ne prescrivant aucune valeur sécuritaire ou sanitaire, elle est perçue comme telle. C’est le tour de force rédactionnel de spécialistes en communication destiné à anticiper le risque de procès relatif à des produits ou services.
Les nombreux partis pris du guide que l'ICNIRP publie en font un document inapplicable aux conditions de l’exposition de la population, mais peu importe. Elle use de toutes ses influences, y compris ses connexions intimes avec l’OMS.
But: faire accepter les seuils d’exposition élevés dans un maximum de pays. Le département CEM de l’OMS escamote les anciennes publications insécuritaires et remet au goût du jour une vieille théorie de radiophobie.
En 1958, tandis que le gouvernement préparait la base légale de l’électricité nucléaire, l’OMS snobait les opposants dans son rapport 151: «L’apparition d’une source d’énergie aux possibilités aussi immenses est de nature à susciter des réactions psychologiques profondes, dont certaines devront sans doute être considérées comme plus ou moins pathologiques».
Elle répète ce credo avec les symptômes dus à l’exposition athermique des RNI: «Il existe aussi certains éléments indiquant que ces symptômes peuvent être dus à des maladies psychiatriques préexistantes, ainsi qu’à des réactions de stress résultant de la crainte inspirée par les éventuels effets sur la santé».
Percevant l’insécurité, les compagnies d’assurances européennes excluent les risques liés aux CEM de leur couverture. Pour nos autorités fédérales, la protection de la santé face aux RNI est un casse-tête.
En rédigeant l’Ordonnance sur la Protection contre le Rayonnement non Ionisant (ORNI), la Suisse, ni exemplaire ni sévère, a choisi de se fonder sur les recommandations de l'ICNIRP.
Elle a légalisé une densité pouvant aller jusqu’à 61 V/m pour les installations fixes émettant entre 2 et 300 GHz. Les appareils mobiles (Smartphones, Wi-Fi, etc.) sont exclus de l’ORNI, car «il faut veiller à ne pas créer d’entraves inadmissibles au commerce».
La science a montré que la pénétration des RNI est plus importante chez l’enfant que chez l’adulte. Olsen (4) a conclu que les enfants exposés in utero ou durant les sept premières années de leur vie à de faibles doses de RNI ont 80 % de risque d’avoir des troubles du comportement à sept ans.
Carlo (5) a révélé un lien entre technologie sans fil et autisme infantile, en progression galopante.
Le Wi-Fi séduit par sa commodité, mais cause un supplément important de RNI, y compris auprès des enfants et des jeunes, friands du sans-fil. Cette pollution entraîne un risque accru de troubles neurologiques et cognitifs. On l’a vu, le rayonnement des micro-ondes pulsées diminue la mémoire et l’attention.
Le risque de maux de tête et d’étourdissements augmente avec l’irradiation. De surcroît, l’hyperactivité et l’insomnie chronique peuvent poindre. Comment réussir une scolarité et des études si l’environnement perturbe l’attention et la mémoire?
Peut-on prendre le risque d’hypothéquer l’avenir des jeunes? Peut-on les irradier de rayonnements aux effets cumulatifs pour éviter quelques mètres de fil?
Neuchâtel limite l’usage du Wi-Fi dans les classes
Les autorités neuchâteloises, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays, ont refusé l’épée de Damoclès du Wi-Fi. Pionnières en Suisse, elles ont adopté un Arrêté en 2010 dont l’art. 7 stipule que seuls les réseaux filaires (câbles métalliques ou fibres optiques) sont autorisés dans les classes des écoles enfantines et primaires. L’art. 8 autorise l’équipement sans fil sous certaines conditions dans des espaces partagés.
À l’Association Romande Alerte (ARA), nous avons voulu savoir si l’Arrêté était suivi. Nous avons également porté notre attention sur les crèches, où l’exposition des petits aux CEM est plus imprudente encore.
Un autre technicien et moi-même avons visité dix-huit établissements préscolaires et primaires (env. 15 % des établissements du canton), nous annonçant le jour de l’évaluation auprès des responsables.
Certaines portes d’écoles ou de crèches sont restées closes faute d’une demande officielle écrite, à laquelle il a été renoncé. Malgré l’Arrêté, des routeurs Wi-Fi irradient des classes d’écoles enfantines et primaires.
Écoles et crèches confondues, nous avons mesuré du Wi-Fi dans presque trois lieux sur quatre. Parfois, le Wi-Fi sert à connecter un ordinateur et une imprimante espacés de quelques mètres seulement. Dans une crèche, quatre ordinateurs destinés aux tout-petits étaient connectés à des routeurs situés à quelques dizaines de centimètres de leur tête.
À ceci, s’ajoutent parfois les CEM dus aux téléphones domestiques sans fil DECT et ceux de la téléphonie mobile. Dans son brevet WO2004075583, Swisscom précise diverses menaces de son électrosmog.
D’éminents spécialistes indépendants en biologie de l’habitat ont estimé, lors de la conférence internationale de Salzbourg de 2002, qu’une exposition inférieure à 0.06 V/m était viable à long terme. Selon cette considération, seuls un collège primaire, un collège d’écoles enfantines et une crèche visités peuvent être considérés comme neutres en matière de RNI.
Le personnel rencontré est de bonne volonté, mais souvent ignorant des mesures de protection telles que proposées par l’Office fédéral de la santé. Plusieurs types de confusions ont été observées.
Certains utilisateurs croient qu’il suffit de brancher un câble à l’appareil (par exemple, connecter la tablette au secteur) pour éviter le rayonnement. D’autres confondent Wi-Fi avec accès à Internet.
Il subsiste encore des défis afin que tous les acteurs concernés soient sensibilisés. Nos investigations ont cependant déjà porté des fruits: des installations ont été ôtées, et nous avons noué des contacts profitables avec le service de l’enseignement obligatoire du canton de Neuchâtel.
Il est question d’établir un programme de prophylaxie électromagnétique à l’École. Nous espérons que les responsables scolaires des autres cantons nous rejoignent dans cette mouvance, tout comme les chefs d’entreprise.
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